Depuis le mois de juin 2017, toutes les affaires venant des ressorts judiciaires du Nord- Ouest et du Sud-Ouest et connues en anglais, sont examinées dans la même langue à la Cour Suprême. C’est en application de la loi n°2017/014 du 12 juillet 2017 modifiant et complétant certaines dispositions de la loi n°2006/016 du 29 décembre 2006 portant organisation et fonctionnement de la Cour Suprême. Une mesure porteuse d’innovations et aux répercussions tangibles et multiples.
Un couple anglophone, originaire de la région du Nord-Ouest ou au Sud-Ouest du Cameroun, installé à l’Extrême-Nord, désire divorcer. Sans l’existence d’un magistrat de culture juridique anglo-saxonne actif dans le ressort de résidence, il serait obligé de retourner au Nord-Ouest ou au Sud-Ouest, dont il est tout originaire, pour obtenir ce divorce sur le principe de la Common Law qu’ils maîtrisent sans doute le mieux. Idem pour un couple francophone, originaire du Nord, installé au Nord-Ouest ou au Sud-Ouest et désireux de divorcer. En application et en respect du Droit des personnes, ce couple a droit à un jugement selon la loi qu’il comprend. Un magistrat maîtrisant le Code Civil sera requis. Dans le cas contraire, ce couple sera obligé de se rendre dans l’une des 08 régions francophones du Cameroun, pour boucler sa procédure. Pourtant, ces camerounais sont appelés à introduire leurs procédures dans leurs régions de résidence et y obtenir un jugement selon la culture juridique de leur région d’origine, ainsi que dans la langue officielle qu’ils maîtrisent le mieux. Ils sont également appelés, en cas de besoin, à introduire des pourvois à la Cour Suprême. Pour ce qui est spécifiquement des jugements rendus jadis en anglais dans les ressorts judiciaires du Nord-Ouest et du Sud-Ouest, les pourvois en anglais introduits à la Cour Suprême étaient généralement connus en français. Les dossiers venus de ces ressorts devaient alors passer par l’étape incontournable de la traduction.
La création de la Section Common Law à la Cour Suprême par le président de la République, président du Conseil Supérieur de la Magistrature, est une réponse positive à la demande formulée par certains avocats anglophones courant octobre 2016. Il s’agit désormais de connaître, en anglais, les pourvois venus du Nord-Ouest et du Sud-Ouest, dans des matières qui n’ont pas encore fait l’objet d’une loi d’application nationale et non encore uniformisées par la législation camerounaise. Parmi ces matières résiduelles, l’on retrouve le Droit de la famille, le Droit des personnes, les régimes matrimoniaux, les successions, de même que le droit des obligations et le droit de la preuve. Des matières qui font pourtant partie inhérente et intégrante de notre culture et de nos coutumes. Concrètement, lorsqu’une affaire relevant de ces différents domaines aura été débattue en anglais et le jugement rendu en premier et dernier ressort en anglais, la Section Common Law de la Cour Suprême sera dorénavant le pourvoi ultime en anglais. De même, toute autre affaire relevant du droit camerounais, connue en anglais dans quelque ressort judiciaire que ce soit à travers le triangle national, sera également connue en anglais à la Cour Suprême, en cas de pourvoi.
Le Droit camerounais en construction
Il est donc question actuellement d’arrimer tous les juristes actifs à cette nouvelle donne, pour que le vivre ensemble camerounais, sur le territoire national, soit effectivement consolidé. Dans les faits, une Section Common Law dans tous les tribunaux des ressorts judiciaires de culture juridique francophone, une Section du Droit Civil dans les tribunaux des ressorts judiciaires de culture juridique anglo-saxonne, sont des éléments à ce jour incontournables dans le paysage judiciaire camerounais en pleine mutation. La présence en zones anglophones de magistrats de culture juridique dite francophone, dont le retrait a fait partie des revendications et exigences formulées en début 2016, vient, entre autres, préparer la mise en place effective de ces Sections. Peu à peu, le droit authentiquement camerounais rentre en scène dans l’environnement national. Notre biculturalisme, notre bi juridisme et le droit international sont le socle sur lequel il est en train de se construire. C’est un fait : le processus de l’élaboration de nos lois intègre déjà tous ces éléments. Mais, il est important de relever pour le préciser que, l’enjeu, à terme est l’existence effective de notre propre droit, en toile de fond de notre système juridique et judiciaire. L’héritage de la tutelle lié au protectorat franco-britannique qu’a été le Cameroun, fera bientôt uniquement partie de l’histoire. Le Cameroun se reflètera objectivement dans ses lois et sa justice. Le processus, en marche est déjà bien avancé !